À l’occasion des dix ans d’existence du Réseau Café-récits, cet article propose un retour en arrière sur les origines des cafés-récits.

 

Par Evelyne Mertens*

Dans les années 1970-1980, les cafés-récits émergent dans un contexte de profondes transformations sociales, marqué par des avancées en matière d’égalité politique et juridique (réforme du droit de la famille, droits des femmes, accès à l’université). En Allemagne, en Autriche et en Suisse, une société civile dynamique donne naissance à des mouvements écologistes, féministes et pacifistes, tout en promouvant des réformes éducatives. Ces initiatives visent à rendre visibles et audibles les récits des « petites gens », dans une démarche d’émancipation collective.

Au début des années 1980, des projets de partage de récits biographiques apparaissent en Allemagne et en Autriche. Dès 1978, les habitants de Hochlarmark (Ruhr) se réunissent pour « reconstituer l’histoire de la vie du quartier à travers des échanges, des écrits personnels, des photographies et des archives » (Hochlarmarker Geschichtsverein, 1981, p. 317 ; Günter, 1982), visant une « cohabitation culturelle » et une meilleure acceptation des différences, notamment sociales et culturelles (Hochlamarker Geschichtsverein, 1991, p. 4). À Francfort-sur-le-Main et Karlsruhe, des cafés-récits, intégrés à des projets urbains participatifs, ont permis d’identifier les besoins des habitants et de préserver les connaissances locales (Lilischkies et al., 2006). Rapidement, ces initiatives ont dépassé le cadre historique et éducatif, s’étendant à des groupes de l’Allemagne de l’Est et de l’Ouest dans une optique de réunification.

Dès ses origines, le récit biographique en groupe a dépassé la simple reconstitution de l’histoire d’un quartier ou d’une localité. Pour celles et ceux qui y prennent la parole et y trouvent une écoute, ces échanges représentent une opportunité de mieux se comprendre, tout en découvrant le parcours des autres. Ces démarches sont toujours ancrées dans une réflexion sur le présent et projetées vers l’avenir. Les cafés-récits et autres cercles de parole ne se sont toutefois pas présentés comme des dispositifs thérapeutiques. Leur vocation, hier comme aujourd’hui, reste d’offrir un espace ouvert à toutes et tous, où chacun·e peut partager son histoire et écouter celles des autres.

Au printemps 1982, l’Université populaire d’Ottakring organise, en partenariat avec l’Université de Vienne, une série d’activités baptisées « Je suis venu de la campagne à la ville ». Il s’agit d’un groupe de discussion intergénérationnel où des anciens et des jeunes — surtout des étudiants en histoire — partagent leurs récits personnels. L’objectif est de s’éloigner des événements majeurs pour valoriser la complexité de la vie quotidienne et ses histoires (Blaumeiser et Wappelshammer 1997, p. 448). Dans plusieurs zones rurales de Basse‑Autriche, l’association « Verein für erzählte Lebensgeschichte » (Association pour les récits de vie) a, jusqu’en 1988, mis en place dix‑neuf « groupes de discussion encadrés » spécialement destinés aux femmes âgées et animés par des femmes au chômage. C’est finalement dans le quartier berlinois de Wedding qu’un premier « café‑récits » est organisé sous cette appellation le 5 septembre 1987. Initié par Sabine Gieschler et Andreas Lange, il est prévu comme une manifestation ouverte au public (Gieschler, 1999).

À partir des années 1990, la notion de « travail biographique » s’impose (Blimlinger et al. 1996), faisant des cafés-récits et des cercles de discussion des outils clés de cette approche (Caduff, 2002 ; Kohn et Caduff, 2010 ; Dressel et Novy, 2009). Ces années sont marquées par l’émergence de l’histoire orale et d’une « histoire vue d’en bas », inspirée par des initiatives anglaises et suédoises, où chercheur·ses, historien·nes amateur·trices, étudiant·es et acteur·trices de la société civile recueillent directement des récits de vie et des histoires personnelles. Ce mouvement, encouragé par des universitaires et des formateur·trices, permet aux individus de raconter et d’interpréter leurs propres expériences, rompant ainsi le monopole de l’histoire imposé par les élites. Centré sur les groupes marginalisés (femmes, ouvriers, populations rurales, etc.), ce courant met en lumière des histoires souvent ignorées. En Allemagne et en Autriche, il a permis de révéler les réalités vécues sous le nazisme, tandis qu’en Suisse, il a soulevé des questions sensibles, comme celle des enfants concerné·es par les mesures de coercition à des fins d’assistance.

En Suisse, les premiers cafés-récits, inspirés du modèle berlinois, apparaissent plus tardivement, dans les années 2000, portés par Ursula Caduff et Lisbeth Herger. Ces initiatives ciblent surtout les personnes âgées et les projets locaux, accompagnés de formations continues. À la différence du modèle allemand, pensé à l’origine comme un échange entre plusieurs personnes devant un auditoire, leurs cafés‑récits mettent l’accent sur la participation de toutes personnes présentes (Kohn et Caduff, 2010 ; Kohn 2020). Les cafés-récits, permettent aux personnes âgées isolées de rompre leur isolement en partageant leurs savoirs et expériences, tout en participant activement à la vie sociale. Selon Ursula Caduff, « l’échange et la transmission de connaissances empiriques dans le cadre d’événements modérés » permettent également de démystifier de manière vivante « des images souvent instrumentalisées à des fins politiques » et de lutter contre les préjugés (Blaumeiser et Wappelshammer, 1997, p. 446).

Les récits partagés dans les cafés-récits ne sont pas toujours restés cantonnés à un cadre intimiste : ils furent également relayés auprès d’un public plus large, contribuant ainsi à façonner la mémoire collective d’un quartier, d’une commune ou même d’une région entière. Publier des récits de vie peut représenter une forme de reconnaissance envers les narratrices et narrateurs, leur offrant en retour une visibilité et une valorisation de leurs témoignages. Mettre en lumière ces histoires fait d’ailleurs souvent partie intégrante du travail biographique et mémoriel (Dressel, 2000). À l’inverse, il a toujours été possible — et cela reste vrai aujourd’hui — de laisser ces récits dans le cadre confidentiel où ils ont été partagés, afin de ne pas décourager de potentiel·les participant·es et de préserver l’accessibilité des espaces de parole. Le potentiel d’intégration sociale du récit en groupe peut rapprocher des personnes d’horizons différents. Depuis ses origines, le récit biographique en groupe incarne une démarche résolument démocratique : il favorise non seulement le lien social, mais joue aussi un rôle dans le bien-être psychique au sein d’une société marquée par la diversité.

*Ce texte est un résumé de l’article en allemand «Erzählcafés, Gesprächskreise – Die Anfänge» de Johanna Kohn, Gert Dressel und Jessica Schnelle dans le livre «Erzählcafés. Einblicke in Praxis und Theorie» (p. 30-43), Beltz, 2022.

Les cafés-récits invitent les personnes âgées à partager leurs souvenirs et à discuter entre elles. Le Réseau Café-récits met à la disposition des professionnel·les qui travaillent avec des personnes âgées de nouveaux supports pratiques pour les aider à planifier et à organiser ces rencontres, et leur montrer comment le récit biographique peut enrichir le quotidien et renforcer le bien-être des personnes âgées.

 

Les personnes âgées possèdent une richesse inestimable d’expériences et d’histoires qui méritent d’être écoutées, partagées et valorisées. Grâce à ses nouveaux documents, le Réseau Café-récits aide les institutions, les animatrices et animateurs ainsi que toute personne intéressée, à mettre en valeur cette richesse. Les cafés-récits créent un espace privilégié pour les récits biographiques et à l’écoute mutuelle. Ils favorisent les rencontres, donnent du sens et encouragent la participation, en particulier là où la routine et l’isolement marquent le quotidien.

« Il suffit de quelques chaises, d’un thème et d’une personne
qui anime pour créer une communauté. »

Les nouvelles publications résument les connaissances et les expériences issues de la recherche et de la pratique et aident les professionnel·les, les bénévoles et les institutions à organiser des cafés-récits et à les intégrer dans leurs activités quotidiennes auprès des personnes âgées.

  • Argumentaire pour les institutions pour personnes âgées
    L’argumentaire résume les principales raisons d’organiser des cafés-récits dans le domaine des personnes âgées. Il décrit les bienfaits des cafés-récits, comment ils favorisent les rencontres et les échanges, permettent une réflexion biographique et peuvent prévenir la solitude. L’argumentaire est complété par des conseils pratiques pour une mise en œuvre dans le cadre d’une institution ou d’un quartier.
  • Brochure pour les animatrices et animateurs 
    Cette brochure pratique s’adresse aux animatrices et animateurs, qu’ils soient débutants ou expérimentés. Elle fournit des informations sur la vieillesse en général, relève le caractère particulier des cafés-récits pour personnes âgées et propose une check-list pour leur mise en œuvre. Elle suggère des thèmes qui stimulent les souvenirs et ouvrent la discussion. Quelques témoignages illustrent la variété des histoires et l’émotion que peuvent susciter les cafés-récits.
  • Modèles de concepts pour une mise en œuvre réussie
    Ce document présente cinq modèles éprouvés illustrant comment mettre en place des cafés-récits avec des personnes âgées dans différents contextes, qu’il s’agisse d’offres institutionnelles, d’initiatives citoyennes ou de projets communaux. Elle rappelle les conditions cadres favorisant un ancrage durable, les ressources nécessaires et les synergies possibles dans le cadre de coopérations.

Les cafés-récits sont bien plus qu’une simple animation : ils créent des liens. Ils sont des espaces de conversation dans lesquels les personnes renouent avec elles-mêmes et découvrent les autres au travers de leurs histoires de vie.

Les documents ont été élaborés dans le cadre du projet « Cafés-récits et personnes âgées », soutenu par les fondations Walder, Paul Schiller et Cornelius Knüpffer. Tous les documents sont disponibles gratuitement :

« Raconter les cultures du soin en fin de vie » est un projet de recherche participatif mené par l’Institut des sciences infirmières de l’université de Vienne et l’association Sorgenetz. Des personnes de tous âges ont partagé leurs expériences personnelles sur la mort, le deuil et la fin de vie lors de cafés-récits. Une expérience riche… Gert Dressel, partenaire associé du Réseau, Katharina Heimerl, Evelyn Hutter, Barbara Pichler et Elisabeth Reitinger, membres de l’équipe de projet, nous en parlent.

 

Il faut le reconnaître, certaines et certains d’entre nous étaient plutôt sceptiques au départ. Est-il possible de raconter ses propres expériences liées à la fin de vie, à la mort et au deuil dans des cafés-récits ? Ne risquons-nous pas de rouvrir des blessures déjà refermées ? Et comment allions-nous agir en tant qu’animateurs et animatrices ? Avons-nous les compétences nécessaires pour cela ?

Les premiers cafés-récits ont lieu au Caritaszentrum für Sozialberufe (Centre Caritas pour les professions sociales) de Vienne, avec des élèves en formation d’aide sociale aux personnes âgées, comme cela s’appelle en Autriche, et au FH Campus Wien, avec des étudiantes et étudiants en soins infirmiers. Avant de s’essayer eux-mêmes à l’animation, ces jeunes racontent leurs expériences. Nous sommes surpris, émus et touchés par la façon dont ces jeunes partagent leurs expériences et leurs histoires sur la fin de vie : la mort prématurée d’un frère ou d’une meilleure amie, le fait de ne pas pouvoir faire son deuil après le décès de sa grand-mère, etc. Les larmes coulent, par de petits et grands gestes, ces jeunes montrent qu’ils sont là les uns pour les autres. Mais il arrive aussi que ces cafés-récits soient l’occasion de grands éclats de rire. Nous, les animateurs et animatrices, participons également aux récits et les larmes ne sont jamais très loin. Nous nous laissons emporter par l’émotion. Lors de la réflexion commune qui suit, nous soulignons à quel point cette expérience de narration et d’écoute a été précieuse, bienfaisante et fédératrice, et à quel point il est bon que celles et ceux qui, d’ordinaire, écoutent et se soucient des autres, soient eux aussi écoutés.

Comme dans un miroir grossissant

Nous sommes plusieurs à animer des cafés-récits et d’autres formats narratifs similaires depuis de nombreuses années. Mais, comme rarement ailleurs, ces cafés-récits consacrés à la fin de vie ont clairement révélé ce que ces événements peuvent apporter, comme dans un miroir grossissant.

Nous aimerions vous présenter brièvement Ulrike. À la retraite depuis de nombreuses années, Ulrike participe à l’un des cafés-récits. Elle reste longtemps silencieuse, écoute les histoires des autres, puis raconte brièvement, d’une voix émue, sa propre expérience : « Mon troisième fils est mort à l’âge de deux mois, et mon problème jusqu’à aujourd’hui est que je n’ai pas eu le droit de faire mon deuil ; on m’a interdit de pleurer sa mort. Cela fait déjà cinquante ans. Cela me fait encore mal. » Après coup, elle déclare : « J’ai été très surprise d’avoir parlé aussi ouvertement de choses très personnelles. J’ai senti qu’il y avait là un groupe très attentif et qu’il ne m’arriverait rien d’horrible. Il y avait beaucoup d’amour et d’acceptation, et c’est pourquoi j’ai osé me confier. » Une autre participante a déclaré que les cafés-récits étaient un espace où la honte et le jugement n’avaient pas leur place.

Dans les cafés-récits, on ne comment pas ce qui est dit, du moins pas spontanément. On ne conseille ni ne propose de solutions. On écoute simplement les personnes qui se racontent. Et c’est exactement ce qu’Ulrike a vécu et apprécié, car elle ne cherchait absolument pas de solution ; le fait de raconter son histoire et d’être écoutée lui a permis de se libérer d’un poids.

Plus d’informations sur le site du projet

Film réalisé par Dorothea Kurteu

L’équipe de projet tient à remercier tous les partenaires et le Ministère autrichien de l’éducation, des sciences et de la recherche, qui soutient le projet d’octobre 2022 à octobre 2025 dans le cadre du programme OeAD – Sparkling Science 2.0.

Que se passe-t-il lorsque des personnes de milieux différents discutent autour d’un café et d’un gâteau ? Il en ressort de la proximité, de la compréhension et de nouvelles perspectives. C’est précisément l’objectif de notre participation à l’#initiativediversite du Pour-cent culturel Migros.

La Suisse est multicolore. Le pays réunit différentes langues, cultures, générations et projets de vie. Et pourtant, de nombreuses personnes vivent plutôt côte à côte qu’ensemble. L’#initiativediversite veut changer cela.

Les cafés-récits créent un espace de rencontre authentique. L’accent est mis sur les expériences personnelles et les récits de vie, par exemple sur le thème de la diversité : comment se présente-t-elle au quotidien ? Comment vivons-nous la différence ? Qu’est-ce qui nous unit malgré nos différences ? Quels sont les défis et les chances de la diversité ? Et que pouvons-nous apprendre les un·es des autres ? Chacun·e raconte ses propres expériences, tout le monde écoute, sans commenter ni juger. C’est précisément ce qui rend les cafés-récits si précieux.

Parler ensemble pour un vivre vraiment ensemble

Afin d’encourager le « vivre ensemble, vraiment», le Pour-cent culturel Migros lance un concours permettant de gagner 1 000 bons de 250 francs chacun en juin. Des sachets de semences avec le code QR du concours seront disponibles du 9 au 29 juin dans les magasins Migros.

Parmi les activités possibles, les gagnant·es pourront organiser une rencontre sur le thème de la diversité au quotidien. Que ce soit dans le salon avec des ami·es, lors d’un apéritif avec des voisin·es ou dans un espace public, chaque café-récit est unique. La particularité : il n’y a pas besoin de grand apparat, mais seulement d’ouverture d’esprit et de curiosité. Et peut-être d’une tranche de gâteau.

Un soutien pour réaliser son propre café-récits

Grâce au bon Migros, les hôtes peuvent veiller aux plaisirs des sens : café, apéritif ou fleurs sur la table, tout ce qui crée une bonne atmosphère.

En plus du bon, il y a aussi une aide concrète pour l’organisation : en collaboration avec le Réseau Café-récits, un guide pratique a été élaboré avec des questions pour guider la conversation. En outre, les gagnant·es peuvent participer à une introduction en ligne gratuite afin de gagner en assurance dans le déroulement et trouver l’inspiration pour l’organisation du café-récits.

La diversité commence par la communication. Participez et rassemblez les gens !

Plus d’informations

Arrivée en 2017, Rhea Braunwalder a joué un rôle déterminant dans la mise en place du Réseau Café-récits, d’abord en tant que responsable de projet et modératrice, puis en tant que codirectrice jusqu’en mars 2025. Dans l’interview avec Vanda Mathis, elle revient sur ses expériences durant ces années.

Comment es-tu arrivée au Réseau Café-récits ? Qu’est-ce qui t’a motivée à l’époque à faire partie de ce projet du Pour-cent culturel Migros ?

Après mes études d’ethnologie, j’ai envoyé une candidature spontanée au Pour-cent culturel Migros en 2017, car leurs projets dans le domaine social me semblaient dynamiques, colorés et vivants. Comme mon CV comportait le mot-clé « café-récits », ils m’ont invitée à un entretien et m’ont présenté le projet pilote « Réseau Café-récits », dont je n’avais jamais entendu parler auparavant. C’est ainsi qu’a commencé un stage instructif axé sur le projet de cafés-récits. Ma première tâche a été de corédiger le guide « Organiser des cafés-récits », que nous utilisons d’ailleurs encore aujourd’hui dans une nouvelle édition. Une fois le stage terminé, j’ai décidé d’obtenir un mandat pour continuer à travailler sur le projet.

En jetant un regard sur les années passées, quelles ont été, à ton avis, les étapes particulièrement importantes pour le réseau ?

En 2019, la première rencontre en Suisse romande à Lausanne a été une étape importante. Nous avons ainsi réussi à franchir le pas pour devenir un réseau national. Le Tessin nous a rejoint en 2020. Une autre étape importante a été la publication en 2023 du livre «Erzählcafés : Einblicke in Praxis und Theorie» sous la direction de Gert Dressel, Johanna Kohn et Jessica Schnelle.

Y a-t-il eu des tournants ou des changements déterminants ?

Le premier financement accordé par Promotion Santé Suisse 2020 nous a donné un élan nouveau. L’inscription du format du café-récits en 2022 sur la liste d’orientation des programmes d’action cantonaux pour les personnes âgées (PAC) constitue également une reconnaissance importante.

Dans quelle mesure la notion de « café-récits » a-t-elle évolué au fil des ans ?

C’est surtout grâce au projet de livre que j’ai remarqué qu’il existe des variantes dans l’organisation des cafés-récits dans les pays germaniques. Je dirais que la version suisse, qui s’articule entre une partie de conversation animée et une partie informelle autour d’une collation, telle qu’elle est enseignée par Johanna Kohn, s’est consolidée au sein du réseau. Au cours des dix années d’existence du réseau, nous avons réussi à mieux faire connaître le format dans certains milieux, bien que dans d’autres domaines, le format reste totalement inconnu.

Y a-t-il des rencontres ou des moments particulièrement marquants qui te restent encore en mémoire ?

Le cinquième atelier-débat que nous avons organisé en 2019 sur le thème « Raconter-écouter-expérimenter la résonance », a été impressionnant pour moi. En invitant le sociologue renommé Hartmut Rosa, le réseau a attiré des participant·es de Suisse, d’Autriche et d’Allemagne. Cela a suscité beaucoup de reconnaissance et un bel élan très motivant pour l’équipe. Ce que j’ai beaucoup apprécié tout au long de mon travail dans le réseau, c’est la collaboration au sein de l’équipe. Tout le monde met du cœur à l’ouvrage. Cet engagement de mes collègues a toujours été présent pour moi.

Qu’est-ce qui t’a touché ou inspiré le plus au fil du temps ?

Lorsque je regarde les premières rétrospectives annuelles, elles comportaient trois pages en 2018 et déjà quinze en 2024. Je réalise à quel point nous avons grandi et tout ce que nous avons accompli !

À titre personnel, quelle est pour toi l’importance du récit de vie? Ton regard a-t-il changé ?

Les cafés-récits sont un format plutôt lent, il s’agit de raconter une histoire de vie et d’écouter sans jugement. Chaque fois que j’ai pu en faire l’expérience, j’ai pris conscience du potentiel d’apprentissage : on peut tirer beaucoup des expériences des autres pour sa propre vie. Les histoires personnelles mettent aussi en évidence des constantes, on se reconnaît soudain dans ses propres récits et on se découvre de nombreuses ressources individuelles. Cette orientation vers les ressources est pour moi une caractéristique centrale des cafés-récits : comment une personne a-t-elle surmonté une situation, comment en parle-t-elle ?

Quels sont les défis que tu as rencontrés au cours de ces années, que ce soit au sein du réseau, de l’organisation ou de certains cafés-récits ?

La question de savoir comment promouvoir et donner de la visibilité au format du café-récits n’est pas simple. Comment et où trouver des participant·es ? Comment inciter les personnes à l’essayer ? Car ce n’est qu’en participant que l’on peut vraiment se rendre compte du potentiel de ce format. Le passage d’un financement complet par le Pour-cent culturel Migros à une base financière autonome est certainement aussi un défi. Ce processus est encore en cours.

Y a-t-il eu des moments de doute ou de questionnement ? Et qu’est-ce qui t’a ensuite motivée à continuer ?

Le doute surgit lorsque quelqu’un organise un café-récits et que personne ne vient. Mais les nombreux retours positifs que nous recevons des cafés-récits qui se sont bien déroulés nous motivent à continuer. Pour moi personnellement, cela est resté passionnant parce que j’ai toujours trouvé de nouvelles choses à faire différemment ou mieux.

Quel est, selon toi, l’impact du projet sur les participant·es, mais aussi sur la société ?

Les gens ont besoin d’échanger, mais n’ont parfois personne dans leur entourage avec qui converser. Le café-récits donne aux participant·es le sentiment d’être écouté·es. Et les personnes peuvent apprendre beaucoup les unes des autres pour leur propre vie. Je considère les cafés-récits comme l’un des format favorisant le dialogue et l’échange dans une société.

Qu’est-ce qui a changé dans ton environnement professionnel ou privé grâce au réseau ?

Sur le plan personnel, j’ai beaucoup appris. C’est surtout le contexte national trilingue, les formations continues d’animatrice de cafés-récits, « l’art of hosting » et les échanges avec différents projets du Pour-cent culturel Migros qui ont fortement influencé mon évolution professionnelle vers le social, la promotion de la santé et le bénévolat.

Que souhaites-tu pour l’avenir du réseau ?

Avec la création de l’association en 2022, il était tout d’abord important de mettre en place de nouvelles structures permettant d’atteindre les objectifs. Celles-ci existent désormais et fonctionnent bien. Pour moi, la question qui se pose maintenant est celle du rôle des membres de l’association : toutes les activités doivent-elles émaner du bureau ou voulons-nous mieux utiliser les ressources de nos membres dans le sens d’une collaboration de pair-à-pair, par exemple pour l’échange d’expériences, l’organisation de rencontres ? Pouvons-nous attendre d’eux un engagement bénévole ?

Avec les connaissances actuelles, y a-t-il quelque chose que tu ferais différemment aujourd’hui ?

Avec les connaissances d’aujourd’hui, nous ne ferions probablement pas différemment, mais nous prendrions des décisions plus rapidement. Parfois, il nous a fallu beaucoup de temps pour savoir comment nous allions procéder.

Y a-t-il quelque chose que tu voudrais transmettre au réseau ou aux personnes qui le rejoignent aujourd’hui ?

Je souhaite à toutes et tous un accueil chaleureux et du plaisir à participer à des cafés-récits, à profiter des connaissances du réseau. Il est très instructif de se rendre visite mutuellement lors des cafés-récits et de pouvoir ensuite réfléchir ensemble. Et aussi que l’échange international avec nos partenaires en Allemagne et en Autriche, qui existe depuis le début, se poursuive.

Le premier café-récits organisé à la Bibliothèque de Montreux-Veytaux a suscité beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme (Bibliothèque Montreux-Veytaux)

Le BiblioWeekend 2025 a été l’occasion de faire découvrir les cafés-récits et de mettre en avant l’importance des bibliothèques comme lieu convivial favorisant la cohésion sociale. C’est le choix fait cette année par l’équipe de la Bibliothèque de Montreux-Veytaux. Thème choisi pour ce premier café-récits: «Nos histoires de lecture». Laure Meystre, la directrice, trois bibliothécaires et huit lectrices de la bibliothèque étaient présentes. Une fois les participantes et les collègues parties, Laure Meystre s’est encore prêtée au jeu des questions.

Propos recueillis par Evelyne Mertens*

C’est le premier café-récits organisé à la Bibliothèque de Montreux-Veytaux. À quoi est-ce que tu t’attendais?

J’avais surtout envie de me laisser surprendre. Je n’ai tout d’abord pas approfondi la question de ce qui allait se passer. Puis je me suis rendu compte que j’étais un peu empruntée quand les usagères et usagers demandaient des informations sur le café-récits. Les gens semblaient avoir envie de se préparer. Finalement, l’explicatif que tu m’as envoyé en amont était très clair et j’ai l’impression que c’est exactement ce que j’ai vécu. Il est important d’être transparentes dans les descriptifs d’animation, sinon ça peut faire peur au public.

Le BiblioWeekend a lieu chaque année au niveau national. Quels sont les objectifs pour la Bibliothèque de Montreux-Veytaux?

Le but est d’ouvrir nos portes au public et d’organiser un moment festif, un moment où tout le monde peut venir sur des horaires étendus. Nous proposons trois jours (vendredi, samedi et dimanche) où la bibliothèque est à l’honneur. D’une part, on montre que ce ne sont pas des lieux uniquement tournés vers la lecture, mais aussi des lieux de vie et de socialisation pour petits et grands. Et puis ça permet aussi aux autorités de prendre conscience de ce qu’on fait. Quand toutes les bibliothèques se prêtent au jeu au niveau national, notre programme d’animation est plus visible.

En plus, la thématique de cette année collait parfaitement avec l’animation d’un premier café-récits. Maintenant que tu en as vécu un, en quoi est-ce intéressant pour une bibliothèque de proposer une telle animation?

La notion de récit de vie, c’est quelque chose qui me parle. C’est l’occasion de tisser des liens. Dans un café-récits, on dévoile un petit peu de son histoire devant le groupe. Certaines participantes se connaissaient, mais d’autres pas du tout. Une femme qui apprend le français avait l’air de se sentir à l’aise pour prendre la parole, alors qu’elle ne connaissait personne. Les autres l’ont écoutée. Ça tisse forcément des liens. Peut-être que les participantes qui vont venir à la bibliothèque auront une autre relation avec les bibliothécaires qui étaient présentes. Chaque anecdote racontée a un effet de résonance. Ça a fait revenir des souvenirs que j’avais complètement oubliés. Pour moi, c’est un moment d’introspection, mais en même temps de partage et de lien. Et c’était visible dans l’attitude des participantes.

Qu’est ce qui était nouveau par rapport aux autres animations proposées à la bibliothèque?

On n’a jamais fait quelque chose comme ça! Et il s’est même passé quelque chose d’assez fou: lors des échanges durant la partie «café», un groupe lecture a émergé. Ça a été un déclic pour certaines participantes du café-récits. Elles veulent organiser un club de lecture dans les locaux de la bibliothèque. Une lectrice m’a dit: «Tu te rends compte? Je suis en train de me retrouver un cercle d’amis.» Je trouve extraordinaire. La thématique de ce café-récits portait sur la lecture, mais cela aurait pu porter sur autre chose. L’important c’est qu’on livre une part de soi.

Je le remarque dans chaque café-récits que j’anime, tout le monde a une histoire à raconter. On a toujours quelque chose à dire, il n’y a pas de compétences à avoir.

La matière est déjà là, on n’a rien besoin de préparer. Il faut juste des chaises. C’est un concept hyper simple à mettre en place. C’est ça que je trouve génial: on vient comme on est. Il y avait des participantes d’horizons très différents. Ça veut dire que tout le monde peut venir avec son histoire, elles ont toutes la même valeur. C’est extraordinaire, j’en ai des frissons. Nous organisons un atelier philo qui fonctionne bien, mais on reste sur des thématiques philosophiques. Dans le café-récits, on est dans quelque chose de l’ordre de la découverte. C’était quelque chose de totalement innovant pour nous.

Le problème que nous rencontrons avec la communication autour des cafés-récits, c’est qu’il faut l’avoir vécu pour comprendre vraiment ce que c’est. Il est compliqué d’expliquer ce moment où on est tous ensemble, où on écoute une personne parler et où on se tait. Ça n’arrive jamais au quotidien.

Il faut simplement dire: viens, essaie, tu verras! À l’ère du smartphone où tout le monde communique le regard baissé sur un écran, ça permet de retrouver une forme de tête à tête, de l’écoute et du respect.

On réapprend à écouter. Cela ne va pas de soi, mais les cafés-récits me donnent espoir. Le café-récits d’aujourd’hui était limité à seize ans, mais on peut très bien mélanger les générations. Les enfants ont des choses très intéressantes à raconter, la limite d’âge n’est donc pas obligatoire.

Ce serait une bonne manière de favoriser l’intergénérationnel. En tout cas, j’ai vraiment eu beaucoup de plaisir à y participer. Et le plaisir est encore plus fort parce que j’ai vu combien ça plaisait aux participantes. Je me dis qu’on a pu apporter quelque chose qui fait peut-être sens. Parfois, je me demande ce que je peux faire pour que le monde aille un peu mieux, à ma petite échelle. Le café-récits peut y contribuer.

*Evelyne Mertens est praticienne en récits de vie et animatrice de cafés-récits. Elle soutient la coordination romande du Réseau Café-récits

 

Le Biblioweekend est un événement national qui vise à promouvoir les bibliothèques auprès du public et des autorités politiques. Chaque année, le temps d’un week-end, le programme des bibliothèques de Suisse se décline autour d’une thématique. L’édition qui a eu lieu du 28 au 30 mars 2025 avait pour thème: «Worte verbinden Welten / Les mots relient les mondes / Le parole uniscono i mondi». Lire, écrire, écouter, raconter, les mots servent tout d’abord à partager nos expériences. On ne pouvait rêver meilleure thématique pour organiser un café-récits ponctuel dans une bibliothèque.

La Bibliothèque de Montreux-Veytaux

En mars 2025, un changement aura lieu au sein de la codirection de l’association Réseau Café-récits. Vanda Mathis prend la relève de Rhea Braunwalder et forme la nouvelle direction avec Marcello Martinoni.

Vanda Mathis a déjà occupé pratiquement tous les postes dans des associations: coordinatrice d’association, membre du comité directeur, codirectrice ou directrice. Et ce, principalement dans des organisations socialement engagées comme SWISSAID ou l’association Aide aux enfants traumatisés crâniens. Nous sommes heureux d’accueillir Vanda au sein de l’équipe de l’association Réseau Café-récits et avons la conviction que son expertise et sa longue expérience dans ce domaine seront un atout. Bienvenue à Vanda!

La prise de fonction officielle de Vanda Mathis a eu lieu le 17 mars 2025 lors de l’assemblée générale de l’association. Nous répondons volontiers à vos questions: info@netzwerk-erzaehlcafe.ch

Portrait-Bild einer Person

«Les histoires sont pour moi une fenêtre ouverte sur d’autres vies. Fascinée, j’ai accompagné des personnes âgées dans un voyage dans le temps, à travers leurs souvenirs, pour mon travail de fin d’études. Mon premier café-récits, organisé pour les grands-parents d’enfants en situation de handicap, m’a profondément émue. Les mots sont devenus des ponts, les échanges une force. Quand je ne suis pas en train d’écouter des récits, on me trouve un livre à la main, les histoires qui m’occupent l’esprit, ou dans le jardin, où j’espère que les légumes pousseront, pour autant que les escargots ne les découvrent pas avant

Vanda Mathis

 

 

Le 12 novembre 2024, la Rencontre thématique romande a réuni quelque 25 personnes à La Datcha, à Lausanne. Thème de cette troisième édition : « Les cafés-récits renforcent les liens entre les générations ».

Photo: Shutterstock

La qualité des liens intergénérationnels et des cafés-récits repose sur les mêmes valeurs de respect, de bienveillance, d’écoute, d’empathie et de partage. En invitant jeunes et moins jeunes à échanger leurs histoires de vie et leurs expériences sur un thème donné, les cafés-récits leur permettent d’acquérir une compréhension de leurs univers et modes de vie respectifs, de s’enrichir mutuellement et de se découvrir des points communs au-delà des âges. L’enjeu est d’autant plus important que le vieillissement démographique nous confronte à de nombreux défis sociétaux.

Les diverses interventions lors de cette rencontre l’attestent : les liens entre les générations renforcent la cohésion sociale et la solidarité, ils favorisent la réciprocité et la transmission de connaissances, ils dissipent les préjugés et changent le regard que les jeunes portent sur les seniors et inversement. Les projets présentés ont suscité de nombreux échanges et réflexions. Ils auront aussi certainement réussi à suggérer des idées à concrétiser !

« Récits intergénérationnels : que des bénéfices à tout âge ! »

Anne-Claude Juillerat van der Linden, neuropsychologue et chargée de cours à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de l’Université de Genève, a ouvert la rencontre avec une présentation très vivante et inspirante. À l’appui de retours d’expériences, d’études diverses et de nombreux exemples de projets et ateliers qu’elle a initiés ou auxquels elle a activement contribué, elle a montré combien les contextes intergénérationnels sont généralement bénéfiques, aussi bien pour les aînés que pour les plus jeunes.

Vers la présentation

« Mémoire vivante d’un quartier »

« Mémoire vivante d’un quartier » est un projet initié par l’Association Kiosque de la Vignettaz (AKiVi) et coordonné par Georges Neuhaus. Le but était de réaliser une mémoire visuelle de l’histoire du quartier de la Vignettaz et de son évolution, en recueillant auprès de la population des photos, des documents et des transmissions orales. Le projet visait également à favoriser les échanges intergénérationnels entre les habitantes et habitants du quartier, anciens et nouveaux. L’exposition a été inaugurée en juin 2024.

Vers la présentation

« Taling Taling »

Estelle Konté, animatrice socio-culturelle, a beaucoup voyagé en Afrique. Elle s’est inspirée des « taling taling », qui signifie « conte agréable », et des témoignages des anciens des villages de l’Afrique de l’Ouest. Convaincue que les anciens de chez nous ont aussi des trésors à partager avec les plus jeunes, elle a créé, sous l’égide de Pro Senectute Valais, un jeu intergénérationnel autour du partage de connaissances. Des enfants et des adultes âgés de 6 à 99 ans se réunissent ainsi, formant un village imaginaire le temps d’une rencontre. Entre des chants et des contes sur la vie en Afrique, les adultes racontent leurs propres souvenirs d’enfance.

« Ensemble sur le chemin de l’école »

Corine Kibora, chargée de campagne Pedibus pour l’Association transports et environnement (ATE), a présenté le « Pedibus intergénérationnel » dont l’objectif est de favoriser les liens intergénérationnels tout en promouvant la mobilité douce. Les cafés-récits organisés l’an dernier sur le thème du chemin de l’école, au Tessin et dans le canton de Vaud, ont mis en évidence l’intérêt de ce type de rencontre pour les deux publics concernés, les seniors et les enfants. L’expérience se poursuivra, notamment en Valais avec une nouvelle ligne Pedibus accompagnée par des résidentes et résidents d’un EMS et un projet de cafés-récits pour les parents conducteurs de lignes Pedibus.

Vers la présentation

 

Texte: Anne-Marie Nicole

 

 

 

 

 

 

En 2023, en marge de son exposition temporaire «Être(s) ensemble», le Musée d’ethnographie de Genève (MEG) a proposé au public quatre cafés-récits sur des thématiques différentes, mais toutes liées à la capacité à communiquer entre espèces différentes du monde du vivant et aux relations qui se nouent entre humains, végétaux et animaux. Entre approche anthropologique et récits biographiques, retour sur cette expérience particulière avec Julie Dorner*.

Une certaine image du Paradis, dont le miracle réside dans l’harmonie entre les êtres qui l’habitent, dans le partage d’une langue commune et la possibilité d’un échange heureux et sans obstacle (Photo: MEG)

Propos recueillis par Anne-Marie Nicole

Julie Dorner, en quelques mots, qu’est-ce que le MEG?

Le Musée d’ethnographie de Genève est une institution de la Ville de Genève qui réunit des collections d’objets, de livres et de documents représentatifs des cultures des cinq continents. Particularité du musée, il abrite une riche collection d’instruments de musique et d’innombrables heures d’enregistrements sonores. Situé dans le quartier de la Jonction, le musée dispose de différents espaces qui peuvent être autant de lieux d’expérience pour les différents publics: le jardin, le café, les salles d’exposition ou encore le foyer qui accueille des activités, des ateliers, des concerts, des performances, etc.

Pourquoi avoir choisi le format des cafés-récits pour compléter le programme des activités autour de l’exposition temporaire «Être(s) ensemble»?

Personnellement, j’ai toujours eu à cœur de proposer des espaces de discussion dans le prolongement des expositions, pour permettre de s’éloigner des concepts scientifiques et laisser la place aux échanges sur les récits et les vécus des personnes. Lors de ma formation en médiation culturelle, j’avais entendu parler des cafés-récits. Le format est intéressant car il offre un cadre à la discussion et au partage d’expériences. Et dans notre cas, il répondait parfaitement bien à l’ambition de cette exposition «Être(s) ensemble»: en tant qu’êtres humains, nous avons toutes et tous des liens avec notre environnement. Le café-récits était donc l’occasion d’inviter les gens à réfléchir à leur rapport au monde du vivant et à partager leurs histoires et expériences en lien avec des plantes ou des animaux.

Vous avez associé l’antenne sociale de proximité à ce projet de cafés-récits. Pour quelle raison?

Pour le MEG, selon les projets, un partenariat est enrichissant et porteur. L’un de nos défis est de savoir comment aller à la rencontre des publics et faire du musée un lieu de discussion et d’échange dans le quartier. Ici, la question de l’accessibilité est importante: le MEG est implanté dans un quartier très animé et populaire et son seuil reste parfois difficile à franchir en raison de l’image plutôt élitiste qui lui est souvent attribuée. Ce partenariat entre l’antenne sociale et le MEG permet à la fois de faire venir des personnes qui, autrement, ne viendraient pas au musée et de donner l’opportunité à notre public habituel de participer à un autre type d’événement. C’est aussi une façon pour le musée de contribuer au vivre ensemble et à la cohésion sociale dans le quartier.

Vous avez organisé quatre cafés-récits, chacun sur un thème différent – notre rapport au monde du vivant, les plantes et nous, les animaux et nous, le vivre ensemble et l’idée du bonheur. Le public a-t-il répondu présent?

Oui, j’ai été très agréablement surprise. Les cafés-récits se sont tenus à chaque fois dans un lieu différent du quartier. Nous avons eu beaucoup de monde. Les récits qui parlaient des relations avec les plantes m’ont beaucoup touchée, alors que c’est le thème qui, au départ, nous paraissait le moins porteur. Les histoires en lien avec les animaux nous ont aussi beaucoup fait rire! Je suis très contente de voir l’intérêt et l’engouement pour ce type de rencontre et du retour positif des participantes et participants.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières dans la mise en place de tels cafés-récits?

Le choix des thèmes a certainement été un grand défi. Il s’agissait en effet de proposer des thèmes qui favorisent les récits de vie et le partage des expériences vécues, tout en maintenant le lien avec le thème de l’exposition et en veillant à ne pas glisser dans des discours trop théoriques et des débats d’idées. Par ailleurs, nous devons aussi trouver notre public, de surcroît un public qui se sente concerné par ce type d’échanges et qui a envie de participer. Au musée, nous avons tenté de proposer des moments de discussion. Ils ont remporté un succès mitigé, contrairement aux visites commentées.

Envisagez-vous de poursuivre avec des cafés-récits?

Ces premiers cafés-récits peuvent être considérés comme un projet pilote. À voir par la suite… Mais si nous entendons poursuivre dans cet objectif de cohésion sociale et de vivre ensemble dans le quartier, c’est un format que nous pourrions envisager. Il faudrait alors l’inscrire dans une certaine régularité. Comme nous le faisons généralement pour les activités de médiation culturelle hors murs dans le quartier, nous devrons aussi réfléchir à la façon de renforcer le lien entre les cafés-récits et le musée. En ouvrant des espaces de discussion, le musée peut jouer un rôle de facilitateur de lien social entre les générations et la population.

 

* Julie Dorner est titulaire d’un master en ethnologie et est médiatrice culturelle au MEG

Le Réseau café-récits élabore en permanence des fiches d’information pour les animateurs et animatrices. Ceux-ci ont pour but de vous aider dans le choix des thèmes et dans la préparation d’un café-récit. Sont disponibles jusqu’à présent:

Découvrez les guides et n’hésitez pas à nous donner votre avis : info@cafe-recits.ch