«Le monde est petit et nous ne sommes pas si différents les uns des autres.»

09.02.2023

Nino Züllig a émigré très jeune de la Géorgie vers l’Allemagne. Depuis 2014, elle vit à Bâle et y travaille en tant qu’interprète. L’animatrice a organisé des cafés-récits interculturels avec l’EPER deux Bâle. Des personnes originaires d’Ukraine et de Géorgie y ont parlé de leur pays et de leur vie en Suisse.

 

Te souviens-tu de ton premier café-récits?

Nino Züllig: Oui, bien sûr! Dans le cadre du projet «Âge et migration», l’EPER deux Bâle souhaitait proposer des cafés-récits à des personnes âgées immigrées. Cela faisait longtemps que j’interprétais pour l’EPER et ils savaient donc que je parlais russe. C’est au printemps 2022 que j’ai animé mon premier café-récits. Des réfugiées ukrainiennes et un couple de Géorgiens de ma connaissance sont venus.

Pourquoi avez-vous choisi la langue russe pour ce café-récits?

De nombreux Ukrainien-nes sont bilingues et parlent le russe en plus de l’Ukrainien, leur langue maternelle. En Géorgie, ce sont généralement les personnes âgées qui peuvent encore s’exprimer en russe. Le russe s’est donc imposé comme notre langue commune.

Comment une Ukrainienne ressent-elle un café-récits en russe?

J’étais consciente que je devais être très prudente en proposant un café-récits interculturel en russe. On ne peut pas ignorer la politique. Normalement, un café-récits est un moment détendu et agréable. Dans mes cafés-récits, la guerre est toujours présente. En tant qu’animatrice, je dois faire preuve de beaucoup de tact pour que la discussion reste calme et paisible et que les gens se sentent à l’aise, ceux qui aiment parler russe, tout autant que ceux qui n’aiment pas cette langue. Je pense qu’on m’accepte mieux parce que je suis originaire de Géorgie et que je comprends les deux parties.

Quel conseil donnerais-tu?

Il arrive souvent qu’une Ukrainienne reçoive un message de son mari à la guerre pendant le café-récits et soit donc distraite. Je comprends qu’elle ait alors l’envie d’en parler. En tant qu’animatrice, je dois y répondre et l’accepter, tout en revenant ensuite au sujet principal. Le café-récits doit être un lieu de détente où l’on peut parler d’autre chose. Mon conseil aux animatrices et animateurs: changer de sujet lentement et prudemment.

Quels sont tes thèmes favoris?

Le premier thème que j’ai choisi était «Moi, en Suisse». Les membres du groupe ont réfléchi à leur ressenti, à leur passé et aux difficultés auxquelles ils devaient faire face. J’ai ensuite mis le doigt sur un autre sujet: «Vivre bien et à moindre coût en Suisse». Cela a donné lieu à un échange d’expériences rempli d’idées. Ensuite, lorsque j’ai pris un rythme normal, j’ai aussi choisi des thèmes plus joyeux comme «Beau et à la mode».

Ce sont surtout les personnes de 55 ans et plus qui participent à ton café-récits, qu’est-ce qui leur pose le plus de problèmes?

La langue allemande est la problématique principale. Les personnes âgées n’apprennent plus aussi facilement. Plus on vieillit, plus la migration est difficile. On arrive dans un endroit où l’on ne parle pas la langue, où l’on ne connaît pas la culture: on va au-devant de l’inconnu. J’organise ces cafés-récits avec mon cœur, parce que je comprends bien les préoccupations des gens.

Qu’est-ce qui t’a le plus surpris?

À chaque fois, il y a des moments révélateurs. Quel que soit l’endroit où les gens ont grandi, certaines choses sont identiques partout. Une fois, nous avons organisé un café-récits avec des personnes originaires de Suisse, d’Ukraine et de Géorgie. Nous avons alors réalisé que lorsqu’ils étaient enfants, ils jouaient aux mêmes jeux et aimaient manger les mêmes choses. En résumé: le monde est petit et nous ne sommes pas si différents les uns des autres.

 

Interview: Anina Torrado Lara

Légende de la photo: Nino Züllig a choisi le thème de la confection de biscuits pour son café-récits.

Personnel

Nino Züllig a étudié l’allemand en Géorgie et s’est installée très jeune en Allemagne. En 2014, elle a suivi son mari à Bâle. Elle travaille comme interprète interculturelle et organise régulièrement des cafés-récits. Pendant son temps libre, elle aime se promener dans la nature sauvage avec sa famille.

Cafés-récits interculturels

Depuis 2022, le bureau de l’EPER deux Bâle propose des cafés-récits dans le cadre du projet «Âge et migration». Six médiatrices et médiateurs interculturels se sont formés auprès de Johanna Kohn et proposent depuis lors des cafés-récits dans différentes langues. Les cafés-récits vont se poursuivre cette année. Ils sont thématiquement liés à d’autres offres d’«Âge et migration deux Bâle».