
Le BiblioWeekend 2025 a été l’occasion de faire découvrir les cafés-récits et de mettre en avant l’importance des bibliothèques comme lieu convivial favorisant la cohésion sociale. C’est le choix fait cette année par l’équipe de la Bibliothèque de Montreux-Veytaux. Thème choisi pour ce premier café-récits: «Nos histoires de lecture». Laure Meystre, la directrice, trois bibliothécaires et huit lectrices de la bibliothèque étaient présentes. Une fois les participantes et les collègues parties, Laure Meystre s’est encore prêtée au jeu des questions.
Propos recueillis par Evelyne Mertens*
C’est le premier café-récits organisé à la Bibliothèque de Montreux-Veytaux. À quoi est-ce que tu t’attendais?
J’avais surtout envie de me laisser surprendre. Je n’ai tout d’abord pas approfondi la question de ce qui allait se passer. Puis je me suis rendu compte que j’étais un peu empruntée quand les usagères et usagers demandaient des informations sur le café-récits. Les gens semblaient avoir envie de se préparer. Finalement, l’explicatif que tu m’as envoyé en amont était très clair et j’ai l’impression que c’est exactement ce que j’ai vécu. Il est important d’être transparentes dans les descriptifs d’animation, sinon ça peut faire peur au public.
Le BiblioWeekend a lieu chaque année au niveau national. Quels sont les objectifs pour la Bibliothèque de Montreux-Veytaux?
Le but est d’ouvrir nos portes au public et d’organiser un moment festif, un moment où tout le monde peut venir sur des horaires étendus. Nous proposons trois jours (vendredi, samedi et dimanche) où la bibliothèque est à l’honneur. D’une part, on montre que ce ne sont pas des lieux uniquement tournés vers la lecture, mais aussi des lieux de vie et de socialisation pour petits et grands. Et puis ça permet aussi aux autorités de prendre conscience de ce qu’on fait. Quand toutes les bibliothèques se prêtent au jeu au niveau national, notre programme d’animation est plus visible.
En plus, la thématique de cette année collait parfaitement avec l’animation d’un premier café-récits. Maintenant que tu en as vécu un, en quoi est-ce intéressant pour une bibliothèque de proposer une telle animation?
La notion de récit de vie, c’est quelque chose qui me parle. C’est l’occasion de tisser des liens. Dans un café-récits, on dévoile un petit peu de son histoire devant le groupe. Certaines participantes se connaissaient, mais d’autres pas du tout. Une femme qui apprend le français avait l’air de se sentir à l’aise pour prendre la parole, alors qu’elle ne connaissait personne. Les autres l’ont écoutée. Ça tisse forcément des liens. Peut-être que les participantes qui vont venir à la bibliothèque auront une autre relation avec les bibliothécaires qui étaient présentes. Chaque anecdote racontée a un effet de résonance. Ça a fait revenir des souvenirs que j’avais complètement oubliés. Pour moi, c’est un moment d’introspection, mais en même temps de partage et de lien. Et c’était visible dans l’attitude des participantes.
Qu’est ce qui était nouveau par rapport aux autres animations proposées à la bibliothèque?
On n’a jamais fait quelque chose comme ça! Et il s’est même passé quelque chose d’assez fou: lors des échanges durant la partie «café», un groupe lecture a émergé. Ça a été un déclic pour certaines participantes du café-récits. Elles veulent organiser un club de lecture dans les locaux de la bibliothèque. Une lectrice m’a dit: «Tu te rends compte? Je suis en train de me retrouver un cercle d’amis.» Je trouve extraordinaire. La thématique de ce café-récits portait sur la lecture, mais cela aurait pu porter sur autre chose. L’important c’est qu’on livre une part de soi.
Je le remarque dans chaque café-récits que j’anime, tout le monde a une histoire à raconter. On a toujours quelque chose à dire, il n’y a pas de compétences à avoir.
La matière est déjà là, on n’a rien besoin de préparer. Il faut juste des chaises. C’est un concept hyper simple à mettre en place. C’est ça que je trouve génial: on vient comme on est. Il y avait des participantes d’horizons très différents. Ça veut dire que tout le monde peut venir avec son histoire, elles ont toutes la même valeur. C’est extraordinaire, j’en ai des frissons. Nous organisons un atelier philo qui fonctionne bien, mais on reste sur des thématiques philosophiques. Dans le café-récits, on est dans quelque chose de l’ordre de la découverte. C’était quelque chose de totalement innovant pour nous.
Le problème que nous rencontrons avec la communication autour des cafés-récits, c’est qu’il faut l’avoir vécu pour comprendre vraiment ce que c’est. Il est compliqué d’expliquer ce moment où on est tous ensemble, où on écoute une personne parler et où on se tait. Ça n’arrive jamais au quotidien.
Il faut simplement dire: viens, essaie, tu verras! À l’ère du smartphone où tout le monde communique le regard baissé sur un écran, ça permet de retrouver une forme de tête à tête, de l’écoute et du respect.
On réapprend à écouter. Cela ne va pas de soi, mais les cafés-récits me donnent espoir. Le café-récits d’aujourd’hui était limité à seize ans, mais on peut très bien mélanger les générations. Les enfants ont des choses très intéressantes à raconter, la limite d’âge n’est donc pas obligatoire.
Ce serait une bonne manière de favoriser l’intergénérationnel. En tout cas, j’ai vraiment eu beaucoup de plaisir à y participer. Et le plaisir est encore plus fort parce que j’ai vu combien ça plaisait aux participantes. Je me dis qu’on a pu apporter quelque chose qui fait peut-être sens. Parfois, je me demande ce que je peux faire pour que le monde aille un peu mieux, à ma petite échelle. Le café-récits peut y contribuer.
*Evelyne Mertens est praticienne en récits de vie et animatrice de cafés-récits. Elle soutient la coordination romande du Réseau Café-récits
Le Biblioweekend est un événement national qui vise à promouvoir les bibliothèques auprès du public et des autorités politiques. Chaque année, le temps d’un week-end, le programme des bibliothèques de Suisse se décline autour d’une thématique. L’édition qui a eu lieu du 28 au 30 mars 2025 avait pour thème: «Worte verbinden Welten / Les mots relient les mondes / Le parole uniscono i mondi». Lire, écrire, écouter, raconter, les mots servent tout d’abord à partager nos expériences. On ne pouvait rêver meilleure thématique pour organiser un café-récits ponctuel dans une bibliothèque.